La région de Diffa, située dans le sud-est du Niger et transfrontalière avec le Nigéria au Sud et le Tchad à l’Est, est confrontée à de nombreux défis en matière de santé, notamment en ce qui concerne la vaccination de routine des enfants. La région vit une insécurité croissante en raison de la présence de groupes armés, ce qui rend difficile la mise en place d’un système de santé solide et efficace. Dans ce contexte, la cartographie des zones d’insécurité dans la région de Diffa peut aider à améliorer la couverture vaccinale des enfants.
La cartographie des zones d’insécurité consiste à identifier les zones où la sécurité est précaire ou menacée, afin de mieux comprendre les risques pour les populations et d’adapter les interventions en conséquence. Cette approche peut être utilisée pour améliorer la vaccination de routine des enfants en identifiant les zones où l’accès aux services de santé est limité ou inexistant en raison de l’insécurité.

Dans la région de Diffa, la cartographie des zones d’insécurité a été réalisée en utilisant des données collectées sur le terrain, telles que des enquêtes auprès des structures sanitaires et des rapports des agences gouvernementales. Ces données ont été combinées avec des carte géographiques pour identifier les zones où la sécurité est précaire ou menacée.
Une fois les zones d’insécurité identifiées, les autorités sanitaires, locales et les partenaires de la santé peuvent travailler ensemble pour mettre en place des stratégies adaptées pour améliorer la couverture vaccinale des enfants. Cela peut inclure l’utilisation de cliniques mobiles pour atteindre les populations vivant dans des zones reculées, ou la mise en place de centres de santé temporaires pour desservir les zones où les services de santé sont limités.
Cette cartographie des zones d’insécurité peut également être utilisée pour sensibiliser les communautés sur l’importance de la vaccination et pour renforcer la confiance dans les services de santé. En impliquant les communautés dans le processus de cartographie et en les informant des risques associés à l’insécurité, les autorités locales peuvent aider à améliorer la compréhension des communautés sur les enjeux de santé et renforcer la collaboration avec les partenaires de la santé.
L’insécurité aux dépends de la santé
Depuis 2015, la région de Diffa fait face à une situation d’insécurité ayant occasionné beaucoup de déplacements de populations tant internes qu’externes. Quatre districts sanitaires sont particulièrement concernés par l’insécurité : il s’agit de Bosso, Diffa, Mainé Soroa et N’Guigmi. Cette situation a fortement impacté le système de santé occasionnant une réduction significative de l’accès et l’utilisation des services de premier recours. Malgré les couvertures vaccinales satisfaisantes, le service de la vaccination de routine n’est pas épargné. En effet, des cas de polio virus de dérivé vaccinal (PVDVc) continuent d’être notifiés, traduisant l’existence de nombreux enfants non vaccinés au niveau communautaire.
En décembre 2022, trois (3) districts sur les six (6) de la région ont atteint le seuil épidémique de la rougeole. Cette situation explique en partie le taux de mortalité infantile, qui reste encore élevé dans la région et dans le pays.
Des populations déplacées et réfugiées
Selon la Direction de l’état civil et des réfugiés (DREC), MAH/GC, en 2021, la région de Diffa a enregistré environ 270 000 personnes en situation de déplacement forcés (74 621 ménages) dans la région. Les réfugiés nigérians représentent 47% (127 233 personnes), les déplacés internes (PDI) environ 39% (104 588), les autres catégories représentant 24%. Ces réfugiés et PDI sont principalement localisés dans les districts de Diffa, Bosso, Maine Soroa et Nguigmi.
Dans ce contexte de défis sécuritaires, des efforts sont consentis par les services de santé de la région, afin d’atteindre toute la cible avec l’appui et le soutien des forces de défenses et des partenaires techniques et financiers.
La dernière enquête de couverture réalisée en 2017 a mis en évidence de nombreux défis à relever. Le taux d’abandon, spécifique du pentavalent, était de 16% et les enfants Zéro dose à 9%. A cela s’ajoute la non maitrise de la cible des populations déplacées et refugiées, souvent très mobiles et inaccessibles.
Une cartographie pour innover
Elle permet d’avoir une vision d’ensemble des villages en situation insécurité en termes d’accessibilité et d’accès aux services sociaux de base, notamment de la vaccination de routine.
C’est un outil d’aide à la planification et à la gestion des conditions d’accessibilité aux services de vaccination des populations en situation d’insécurité qui permet de proposer des stratégies et approches innovantes pour un meilleur accès de ces populations aux services de vaccination.
L’objectif recherché étant la réduction du nombre d’enfants insuffisamment vaccinés et zéro dose.

Pour réaliser cette cartographie, des questionnaires ont été administrés aux Districts (Diffa, Bosso, Maine Soroa et Nguigmi) pour recueillir des informations, sur (i) le nombre de villages situé dans les zones d’insécurité, (ii) la population et les cibles PEV, (iii) l’accessibilité et (iv) les stratégies existantes pour atteindre les enfants dans ces zones particulières. Ces districts ont été choisis sur la base de la revue littérature (rapports des agences des Nations Unies et des services d’état civil) et des entrevues avec les autorités sanitaires régionales. Ces sources d’informations ont montré que ces 4 districts concentrent plus de 95% des PDI et réfugiés.
Une extraction des données sur le District Health Information System (DHIS2) du Niger a été réalisée pour comparer les taux des couverture vaccinales avant et pendant les épisodes d’insécurité, et disposer ainsi d’éléments de comparaison entre les districts en situation d’insécurité et ceux qui sont épargnés.
Principaux résultats de cette cartographie
Evolution des couvertures vaccinales en Penta1 de 2017 à 2021

La situation sécuritaire a causé un impact certain sur les performances vaccinales de 2017 à 2021.
Le nombre d’enfants vaccinés au Penta 1 a considérablement baissé entre 2017 et 2018 avant de se stabiliser entre 2018 et 2020. Le taux de couverture au Penta 1, au contraire, a augmenté de plus de 25 points entre 2017 et 2018 avant de connaitre une légère baisse entre 2019 et 2021. Cette baisse de la couverture vaccinale au Penta 1 serait consécutive au retour des déplacés nigérians dans leurs villages d’origine suite à une accalmie notée localement.
Evolution du nombre d’enfants vaccinés par districts sanitaires

Le nombre d’enfants vaccinés au Penta 1 dans les districts en zone d’insécurité suit les mêmes tendances qu’au niveau régional. Diffa et Bosso ont été les premiers districts atteints par l’insécurité, ce qui pourrait expliquer la baisse plus importante du nombre d’enfants vaccinés au Penta 1 dans ces deux districts entre 2017 et 2018. A l’inverse, les districts de Goudoumaria et N’Gourti, situés en dehors des zones d’insécurité, ont connu une augmentation continue du nombre d’enfants vaccinés au Penta 1 entre 2017 et 2020. L’insécurité s’est ensuite propagée dans les districts de Mainé Soroa et N’Guigmi, qui étaient jusque-là épargnés. A partir de 2018, une certaine accalmie a permis une stabilisation du nombre d’enfants vaccinés au Penta 1, puis une légère augmentation entre 2019 et 2021.
La situation des villages en insécurité

38% de la population de Diffa se situe en zone d’insécurité, représentant plus de 56% de la population des 4 districts situés en zone d’insécurité. Ces populations en zone d’insécurité sont réparties dans 306 villages à travers les 4 districts.
Diffa & Bosso ont plus de 60% de leurs populations situées en zones d’insécurité. Cela pose d’importants défis en termes de disponibilité et de continuité de l’offre de service vaccinal.
Accessibilité des villages

109 des 306 villages situés en zone d’insécurité sont inaccessibles. Les districts de Diffa & Bosso concentrent le plus grand nombre de villages en insécurité et inaccessibles. L’inaccessibilité des villages est liée à la peur des enlèvements, des attaques ou des explosions d’engin.
Des interventions sur mesure
L’une des stratégies les plus importantes pour la vaccination dans les zones d’insécurité de Diffa est la mise en place d’équipes mobiles de vaccination. Ces équipes sont composées de professionnels de la santé qui se déplacent dans des zones difficiles d’accès pour administrer des vaccins aux enfants. Les équipes mobiles de vaccination sont essentielles pour atteindre les enfants vivant dans les zones les plus reculées, où l’insécurité empêche les travailleurs de santé d’accéder aux centres de santé locaux.
Une autre stratégie importante est l’utilisation de points de vaccination fixes dans les zones plus sûres. Ces points de vaccination sont souvent situés dans les centres de santé, les écoles et les camps de réfugiés. Les enfants peuvent y être vaccinés gratuitement, sans avoir à voyager sur de longues distances pour atteindre un centre de santé.
En outre, des campagnes de vaccination de masse sont régulièrement organisées dans la région de Diffa pour atteindre un plus grand nombre d’enfants en un temps limité. Ces campagnes sont menées en collaboration avec des partenaires internationaux tels que l’UNICEF et l’OMS. Les campagnes de vaccination sont souvent précédées d’une sensibilisation communautaire pour encourager les parents à amener leurs enfants se faire vacciner.
Malgré ces efforts, les défis demeurent pour la vaccination dans les zones d’insécurité de Diffa. L’insécurité en cours dans la région a entraîné des fermetures temporaires de centres de santé et la suspension de certaines campagnes de vaccination. Les conflits armés ont également provoqué des déplacements massifs de population, ce qui rend encore plus difficile l’accès à la vaccination pour les enfants déplacés.
Cependant, il a été constaté que les approches classiques de vaccination de routine ne permettent pas d’atteindre efficacement tous les enfants éligibles à la vaccination de routine, ce qui se traduit par une réduction continue du nombre d’enfants vaccinés. Par ailleurs, on note une absence d’intervention spécifique et continue ciblant les enfants éligibles à la vaccination et vivant dans les camps de déplacés, notamment ceux qui ne sont pas officiels. Enfin, plus d’une centaine de villages restent inaccessibles pour les agents de santé en raison des contraintes sécuritaires.

Quelles solutions pour favoriser la vaccination ?
Afin d’y remédier, il est urgent de mettre en place un cadre de coordination entre les partenaires impliqués dans la mise en œuvre des activités de la vaccination de routine pour développer plus de synergie dans les approches ;
D’autre part, il est nécessaire de plaider pour le recrutement local d’agents de santé issus de la population afin de fidéliser le personnel en charge d’offrir le service de vaccination ; et de favoriser la mise en place d’équipes mixtes (forces de défense et agent de santé) pour le déploiement de l’offre de service dans les zones d’insécurité. Enfin, il serait nécessaire d’organiser des séances de vaccination hebdomadaire en impliquant les relais communautaires et les leaders d’opinion lors des grands marchés locaux.
En conclusion, les autorités sanitaires du Niger ont mis en place plusieurs stratégies pour assurer la vaccination dans les zones d’insécurité de Diffa. Les équipes mobiles de vaccination, les points de vaccination fixes et les campagnes de vaccination de masse sont autant de moyens pour atteindre les enfants les plus vulnérables dans la région. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour surmonter les défis liés à l’insécurité, la sensibilisation communautaire et le financement pour garantir que tous les enfants de la région de Diffa soient vaccinés contre les maladies évitables par la vaccination.