
Des populations ayant un accès limité aux services de santé
La vaccination est l’une des interventions de santé publique les plus efficaces pour prévenir et contrôler la propagation des maladies infectieuses. Cependant, les populations spéciales, telles que les nomades, les transfrontalières, celles en zone d’insécurité, les urbaines, les réfugiés et les déplacées, sont souvent confrontées à des défis supplémentaires pour accéder aux services de santé, y compris aux programmes de vaccination.
Au Niger, les régions de Diffa, Maradi et Zinder sont caractérisées par l’existence de populations « spéciales » composées de nomades, de réfugiés et de déplacés internes, habitant dans les zones transfrontalières avec le Tchad et/ou le Nigéria, et/ou à sécurité compromise, et ayant un accès difficile aux services de santé, notamment à la vaccination de routine.

Ces trois régions, qui sont toutes frontalières au Nigéria et/ou au Tchad, concentrent :
- 43% de la population du Niger et 36% des districts (26/72)
- Des populations difficiles d’accès (réfugiées, déplacées, nomades, au niveau des frontières avec le Nigeria et le Tchad)
- Les districts ayant le taux d’enfants zéro dose le plus élevé du pays (Gouré/Zinder : 15,5 et Diffa Commune/Diffa : 14,6 [1])
- Les districts ayant le taux d’abandon P1/P3 le plus élevé du pays (Gouré/Zinder : 33,3 et Diffa Commune/Diffa : 21,5)
Des stratégies innovantes pour atteindre ces populations « spéciales«
Dans le cadre du programme de renforcement de la vaccination de routine, les districts sanitaires des trois régions, à travers les mobiles de vaccination, mettent en œuvre des séances de vaccination ciblant ces populations, afin d’améliorer la couverture vaccinale et de prévenir les maladies évitables par la vaccination. Cette évaluation se concentre sur les stratégies spéciales déployées pour atteindre ces populations dans les régions de Diffa, Maradi et Zinder, et vise à identifier les facteurs de réussite et les défis rencontrés.
Afin d’harmoniser la mise en œuvre des stratégies spéciales dans le pays, le Ministère de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales du Niger, avec l’appui de ses partenaires, a élaboré des documents standards pour aider les services de santé à mettre en œuvre ces stratégies de vaccination (stratégie nomade, stratégie péri-urbaine et urbaine, etc.).
La figure suivante décrit un résumé du processus de mise en œuvre des stratégies spéciales :

Une innovation majeure apportée par le programme de renforcement de la vaccination de routine est la conception et la mise à disposition pour les équipes mobiles de district, d’un outil simple de rapportage, utilisé à chaque sortie en stratégie spéciale. Les données ainsi collectées sont saisies dans une base de données Excel pour faciliter les analyses et sont reversées dans les CSI polarisés par les sites de vaccination.

Des résultats satisfaisants pour les deux premiers mois de mise en œuvre
Après deux mois de mise en œuvre, l’analyse des résultats a été orientée sur la contribution des stratégies spéciales dans les données de vaccination globales. Cette option a été retenue du fait de la non maîtrise de la taille des populations spéciales.

Durant la période avril-mai 2023, les 23 sorties suivantes ont été réalisées :
- Nomades dans 5 districts (1 à Maradi et 4 à Zinder)
- Transfrontalières dans 10 districts (3 à Diffa, 4 à Maradi et 3 à Zinder)
- Insécurité dans 3 districts (1 à Diffa et 2 à Maradi)
- Péri-urbaine dans 4 districts de Diffa
- Réfugiés et PDI dans 1 district de Diffa
En termes de contribution des stratégies spéciales dans la vaccination globale des enfants, nous pouvons retenir que :
- Dans la région de Diffa :
– 7,6% des enfants vaccinés au BCG dans la région de Diffa proviennent des stratégies spéciales (31% à N’Guigmi et 19% à Bosso)
– 20% des enfants vaccinés au Penta (1 et 3) dans la région de Diffa proviennent des stratégies spéciales (95% à N’Guigmi et 43% à Bosso)
– Près de 22% des enfants vaccinés au VAR1 dans la région de Diffa proviennent des stratégies spéciales (99% à N’Guigmi et 60% à Bosso)
- Dans la région de Maradi :
– 1,5% des enfants vaccinés au BCG dans la région de Maradi proviennent des stratégies spéciales (4% à Gazaoua)
– Près de 2% des enfants vaccinés au Penta (1 et 3) dans la région de Maradi proviennent des stratégies spéciales (4,8% à Gazaoua)
– 2,6% des enfants vaccinés au VAR1 dans la région de Maradi proviennent des stratégies spéciales (6,7% à Gazaoua et 4,2% à Mayahi)
– Faible contribution des stratégies spéciales dans les données globales de vaccination (préparation des activités, taille de la population)
– Défaut de synchronisation avec les districts frontaliers du Nigéria
- Dans la région de Zinder :
– 5,4% des enfants vaccinés au BCG dans la région de Zinder proviennent des stratégies spéciales (25,8% à Tesker)
– 11% des enfants vaccinés au Penta 1 dans la région de Zinder proviennent des stratégies spéciales (78,7% à Tesker)
– 12,5% des enfants vaccinés au VAR1 dans la région de Zinder proviennent des stratégies spéciales (72% à Tesker et 37,9% à Tanout)
Les résultats de l’étude mettent en évidence les progrès réalisés dans la vaccination des populations spéciales dans les régions de Diffa, Maradi et Zinder. Des stratégies adaptées, telles que la mise en place de cliniques mobiles pour suivre les communautés nomades, la création de points de vaccination transfrontaliers et l’engagement des leaders communautaires, ont amélioré l’accès à la vaccination pour ces groupes vulnérables.
Quelques leçons apprises et défis pour améliorer la mise en œuvre
Après une courte période de mise en œuvre, certaines leçons ont été apprises :
- La collaboration avec les autres services techniques déconcentrés (administration territoriale, élevage) et les chefs traditionnels a permis une meilleure information et mobilisation des populations.
- La généralisation de l’utilisation de l’outil de rapportage des stratégies spéciales permettra de mieux mesurer la contribution des stratégies spéciales dans la vaccination de routine.
- L’estimation de la taille des populations « spéciales » constitue un préalable majeur avant le déploiement des activités de vaccination.
Cependant, des défis persistent, notamment l’absence de cartographie et l’estimation de la taille des populations spéciales par district, la faible coordination avec les autres partenaires, services techniques compétents et districts frontaliers du Nigéria pour améliorer la mise en œuvre et le rapportage des stratégies spéciales, le manque d’infrastructures de santé dans certaines zones isolées, les difficultés logistiques liées aux déplacements constants des nomades, et les problèmes de sécurité dans les zones touchées par les conflits. Ces obstacles ont entravé l’atteinte d’une couverture vaccinale optimale pour l’ensemble de ces populations spéciales.
En conclusion
La vaccination est un droit fondamental pour tous, y compris pour les populations spéciales résidant dans des régions difficiles d’accès ou en situation d’insécurité. En améliorant l’accès à la vaccination pour ces groupes vulnérables, nous pouvons contribuer à réduire la propagation des maladies infectieuses et à améliorer la santé publique dans son ensemble. Cependant, des efforts continus et coordonnés sont nécessaires pour surmonter les obstacles persistants et atteindre une couverture vaccinale optimale dans les régions de Diffa, Maradi et Zinder.
[1] ECV 2017