Alors que les conclusions de la Conférence Mondiale sur l’eau, tenue du 22 au 24 mars 2023 à New-York dans le cadre de la Journée Mondiale de l’eau, ont souligné l’ampleur de la crise de l’eau et le manque de résultats probants, il est urgent d’en rappeler son importance, sa rareté et les inégalités d’accès qui en découlent.
On le sait, l’eau est omniprésente. Elle couvre 70% de la surface de la Terre, soit 1,4 milliards de km3, tandis que notre corps en est composé de 65%, ce qui en fait le principal constituant humain.
Mais toute eau n’est pas bonne à boire. L’eau douce, essentielle à notre survie, représente pour sa part seulement 2,4% [1]de l’eau sur la planète. Développés en 1992, les Principes de Dublin soulignent pour la première fois le caractère rare et essentiel de l’eau. Ils rappellent que l’eau douce est une ressource limitée et vulnérable, dont la gestion doit être participative et dans laquelle les femmes jouent un rôle central. Ils précisent également le caractère économique de l’eau.
Quelques mois plus tard, les principes de Rio y ajoutent la dimension de bien social. En 2010, les Nations Unies ont pour leur part reconnu que «le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ».

Les eaux contaminées tuent
Et pourtant, l’eau est un droit dont tout le monde ne jouit pas. Selon les chiffres de l’Unicef et de l’OMS (2019), 1 personne sur 3 dans le monde n’a pas accès à l’eau potable, ce qui représente plus de 785 millions de personnes, dont 263 millions doivent se déplacer à plus de trente minutes aller-retour jusqu’au point d’eau potable le plus proche.
Cette tâche physique et fatigante est généralement attribuée aux femmes. Contraintes par une trop grande distance, pas moins de de 144 millions de personnes n’ont d’autre choix que de boire l’eau des rivières, lacs ou canaux d’irrigation, au risque d’être contaminées par les produits chimiques et les matières fécales.
Or, l’insalubrité et l’eau contaminée favorisent la contraction et la propagation de maladies comme le choléra, la dysenterie, l’hépatite 1 ou encore la typhoïde. Au total, 297 000 enfants [2] meurent chaque année de diarrhée résultant d’une consommation d’eau non potable.

Un continent désavantagé
Et les années à venir prédisent le pire. Selon le scénario actuel sur le changement climatique, près de la moitié de la population de la planète vivra dans des régions soumises à un fort stress hydrique d’ici 2030, touchant entre 75 millions et 250 millions de personnes en Afrique. De plus, la pénurie d’eau dans certaines régions arides et semi-arides poussera entre 24 et 700 millions de personnes à se déplacer. L’Afrique sub-saharienne est la région qui abrite le plus grand nombre de pays soumis au stress hydrique.
Il faut dire que le continent présente un désavantage exceptionnel en matière de ressources en eau. Une comparaison des précipitations moyennes annuelles des continents du monde montre que l’Afrique a un niveau comparable à l’Europe et à l’Amérique du Nord.
Cependant, les pertes par évaporation qui se produisent sur le continent africain sont beaucoup plus élevées et se traduisent par un pourcentage nettement plus faible de précipitations contribuant aux ressources en eau renouvelables, ce qui le distingue des autres continents.
Ces variations ont entraîné des ressources en eau abondantes dans certaines régions et une sécheresse endémique et généralisée entraînant une pénurie croissante d’eau dans d’autres, en particulier là où les faibles précipitations annuelles s’accompagnent de faibles niveaux de ressources en eau renouvelables internes.

Conflits autours des bassins internationaux
Un autre problème clé, dont on parle peu, est la multiplicité des bassins hydrographiques internationaux, dans un contexte de faiblesse des lois internationales sur l’eau et de faible coopération régionale sur les questions de qualité et de quantité d’eau.
En effet, les eaux souterraines sont importantes sur le continent et on estime que plus de 75% de la population utiliserait ces eaux comme principale source d’eau potable. C’est particulièrement le cas dans les pays d’Afrique du Nord et d’Afrique australe.
Avec environ 80 bassins fluviaux internationaux, l’Afrique possède environ un tiers des principaux bassins hydrographiques internationaux du monde. Or, selon le droit international, un cours d’eau transfrontalier, c’est-à-dire qui traverse les territoires physiques de plusieurs États, est une ressource «partagée » entre ces derniers.
Le bassin du Nil, par exemple, a 10 pays riverains, le fleuve Congo en compte 9, le fleuve Niger 9, le Zambèze 8, la Volta 6 et le lac Tchad 5. Et puis, il y a des pays traversés par plusieurs fleuves internationaux. Un cas extrême est la Guinée, qui compte 12 fleuves de ce type. Leur valorisation grâce à une gestion concertée et cohérente, bénéficiant au plus grand nombre, est impossible sans partenariat et coopération entre les pays qui les partagent.

Conférence des Nations Unies autour de l’eau douce
Adoptée en mai 1997, la Convention des Nations Unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation a tenté de résoudre le problème. Mais il aura fallu 17 ans pour qu’elle entre en vigueur, en août 2014. Et depuis lors, les Etats n’affichent guère d’engouement à la mettre en application.
Par ailleurs, les organisations présentes la semaine dernière, lors de la Conférence Mondiale sur l’eau –première conférence des Nations Unies dédiée à l’eau douce depuis 1997 – ont tenu à souligner “le décalage entre la crise de l’eau vécue, largement reconnue et médiatisée, et les engagements concrets des États qui ne permettront pas d’y répondre. ”
Reste à voir si une meilleure gouvernance de l’eau et des solutions à ses défis vont pouvoir être mises en place concrètement. Ceci afin de tenir les engagements liés au 6ème objectif de Développement Durable (ODD) dédié à l’eau, dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.