Les maladies non transmissibles (MNT) représentent aujourd’hui un défi majeur pour la santé publique mondiale, avec une charge croissante en Afrique subsaharienne (ASS). Dans cette région, les maladies cardiovasculaires, les cancers, le diabète, les maladies respiratoires et les AVC figurent parmi les principales causes de morbidité, d’invalidité et de mortalité. Cette situation est le résultat de changements démographiques, de transitions épidémiologiques et des impacts de la modernisation (OMS, 2015 ; Yiengprugsawan et al., 2016 ; Yiengprugsawan & Kendig, 2015).
Défis spécifiques de l’Afrique subsaharienne
Contrairement à la perception traditionnelle selon laquelle les MNT sont des maladies liées à l’aisance économique, elles touchent désormais toutes les couches de la population, y compris dans les zones à faibles et moyens revenus. L’ASS fait face à des défis uniques, notamment la reconnaissance insuffisante de certaines MNT telles que les maladies mentales, la démence et les séquelles de traumatismes et d’accidents, qui contribuent significativement à la charge globale de la maladie. Avec près de 41 millions de décès annuels liés aux MNT, soit plus de 71 % des décès mondiaux, l’ASS subit une véritable “crise sanitaire morale” qui exerce une pression accrue sur les systèmes de santé publique (Subramanian et al., 2018 ; OMS, 2017, 2018b). Une attention urgente est nécessaire pour comprendre et traiter les dynamiques complexes des MNT dans la région.

Vieillissement de la population et transition des modes de vie
La montée des MNT en ASS est étroitement liée au vieillissement de la population et aux évolutions des modes de vie. Les populations adoptent progressivement des habitudes alimentaires plus occidentalisées et des comportements à risque, entraînant une augmentation de l’obésité et de l’hypertension (Gyasi, 2018 ; Xu et al., 2016 ; Yiengprugsawan & Kendig, 2015). L’association entre la prévalence des MNT, le vieillissement et les principaux facteurs de risque tels que la consommation de tabac, la sédentarité, l’alcoolisme excessif et les régimes alimentaires déséquilibrés souligne l’urgence de mettre en place des interventions ciblées (OMS, 2018a).
Impact économique et inégalités
L’évaluation précise des conséquences économiques des MNT reste un défi, mais les projections indiquent un doublement du fardeau économique mondial, passant de 6 000 milliards USD en 2010 à 13 000 milliards USD en 2030. L’ASS, qui enregistre plus de 80 % des décès liés aux MNT, subit une charge disproportionnée. Les MNT réduisent la productivité, entraînent des décès prématurés et augmentent les coûts de santé, menaçant ainsi le développement socio-économique des pays en pleine transition démographique (Atun et al., 2013 ; OMS, 2014, 2018a).
Lutter contre les inégalités et renforcer la prévention
Le « double fardeau de la maladie » en ASS – combinant maladies infectieuses et MNT – nécessite des interventions prioritaires. Les populations les plus vulnérables et défavorisées supportent une part disproportionnée de ce fardeau, rendant essentiel un engagement en faveur d’une justice sociale en santé. Des plans d’action nationaux et régionaux, similaires à ceux mis en place contre les maladies infectieuses, sont impératifs. Par ailleurs, les soins de longue durée et la gestion des MNT dans les populations vieillissantes doivent être renforcés, à l’instar des recommandations des bureaux de l’OMS pour les régions Pacifique et Afrique (OMS, 2017 ; OMS WPRO, 2017).
Politiques publiques et perspectives d’avenir
Pour freiner la progression des MNT en ASS, des politiques de santé publique adaptées aux réalités locales sont indispensables. Le Plan d’action mondial de l’OMS pour la prévention et le contrôle des MNT (2013-2020) reconnaît l’importance des soins palliatifs, souvent négligés dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Les gouvernements d’ASS doivent prioriser l’accès aux soins palliatifs, la gestion autonome des maladies chroniques et la promotion de l’autogestion des soins, en particulier pour les personnes âgées.
Les solutions locales, appuyées par des instances internationales telles que l’OMS, doivent être encouragées. L’éducation des populations aux facteurs de risque des MNT, des interventions culturellement adaptées et la promotion de modes de vie sains sont essentielles. Légiférer sur la taxation et la régulation des produits favorisant les MNT pourrait également jouer un double rôle : limiter les comportements à risque et générer des revenus pour le financement des campagnes de prévention et de traitement.
Conclusion
L’ampleur des MNT en ASS représente un défi complexe, enraciné dans des problématiques de pauvreté, de malnutrition, d’assainissement insuffisant, d’infections et de systèmes de santé fragiles. Il est impératif que les efforts régionaux et nationaux se concentrent sur l’indépendance émotionnelle et fonctionnelle des populations vieillissantes, en mettant en avant la lutte contre les facteurs de risque des MNT tout au long du cycle de vie.
Alors que l’ASS connaît un vieillissement démographique rapide, une approche inclusive et participative impliquant communautés, familles et systèmes de santé est nécessaire pour répondre pleinement aux défis multiformes des MNT. Les rôles de la culture, de la structure familiale et de la cohésion sociale dans le soutien aux personnes âgées en ASS doivent être explorés et mieux intégrés aux politiques de santé. Il est temps d’adopter une réponse globale et engagée pour combattre les MNT et assurer un avenir plus sain aux générations actuelles et futures.