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Reconstruction des femmes atteintes de fistule obstétricale : la solidarité communautaire au cœur des stratégies

Chaque 23 mai, le monde célèbre la Journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale.

Surnommée la “maladie de la pauvreté”, la fistule obstétricale (FO) est particulièrement répandue dans les pays en développement d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud, où prévalent la pauvreté, l’insuffisance des soins obstétricaux, des taux de fécondité élevés et une faible reconnaissance du statut des femmes dans la société. L’OMS estime que plus de 2 millions de jeunes femmes vivent avec une fistule obstétricale non traitée en Asie et en Afrique subsaharienne. En Mauritanie, on recense entre 150 et 300 nouveaux cas par an, tandis qu’au Niger, ce chiffre grimpe à près de 750 cas par an.

Extrêmement invalidante, la fistule obstétricale est favorisée par le maintien de traditions comme les mariages précoces, les lacunes dans la prise en charge des accouchements et un accès limité (financier et logistique) aux soins obstétricaux d’urgence. Au-delà des souffrances physiques, elle est une source de stigmatisation sociale, constituant un fardeau psychologique et émotionnel pour les femmes qui en sont victimes.

Quelles sont les conséquences psychosociales pour ces femmes ? Quel rôle jouent les normes culturelles et les croyances traditionnelles néfastes dans leur exclusion sociale ? Comment l’absence de prise en charge aggrave-t-elle la situation des femmes et freine-t-elle le développement de nos sociétés ? Enfin, quelles solutions communautaires permettraient d’y remédier ?

Cet article met en lumière l’urgence d’harmoniser les politiques de santé publique afin d’éliminer l’impact des fistules obstétricales sur les femmes et de restaurer leur dignité.

Fistule obstétricale : une atteinte à la dignité humaine

Considérée comme “la conséquence la plus dramatique d’un accouchement non assisté”, la fistule obstétricale survient lors d’un travail prolongé et difficile, en l’absence d’une intervention médicale rapide.

Cette affection grave est une perforation entre le vagin et la vessie ou le rectum, provoquant des fuites incontrôlables d’urine ou de matières fécales. Ces pertes engendrent honte et isolement pour les femmes qui en souffrent.

Elle touche principalement les zones rurales, où les accouchements à domicile sans assistance qualifiée restent courants et où l’accès aux infrastructures médicales est limité. L’absence d’éducation formelle, le manque d’information sur la santé maternelle, ainsi que la méconnaissance des soins postnataux sont autant d’obstacles qui mettent en péril la vie des mères et des nouveau-nés.

Les normes sociales, un facteur aggravant

Les normes culturelles et les rôles de genre rigides perpétuent des attentes inégalitaires envers les femmes et les hommes.

Dès leur plus jeune âge, les filles sont socialisées à être soumises et passives, tandis que les garçons sont encouragés à être dominants et actifs. Cette construction sociale influence l’identité des adolescentes, leur perception d’elles-mêmes et leur prise de décision.

Les femmes sont souvent valorisées pour leur chasteté et leur rôle reproductif, tandis que les hommes bénéficient de plus de liberté. Cette hiérarchisation des sexes limite considérablement les choix des femmes, les maintenant dans une dépendance économique et sociale.

Dans les sociétés où le mariage précoce est la norme, la fistule obstétricale est une conséquence directe de grossesses survenant avant que le corps ne soit pleinement développé.

  • Au Niger, 76 % des filles sont mariées avant 18 ans.
  • En Éthiopie, ce chiffre atteint 73 %.
  • Au Tchad, il s’élève à 68 %.

Ces unions forcées, dictées par des dynamiques de pouvoir inégalitaires, privent les jeunes filles de leur autonomie et les exposent à des complications de santé majeures : infections cutanées, insuffisance rénale, voire décès maternel et infantile en cas d’absence de soins adaptés.

De plus, les mutilations génitales féminines aggravent la situation. Présentées comme un rite de passage à la féminité, ces pratiques mutilantes contribuent à l’augmentation des cas de fistule, exposant les jeunes filles à des douleurs chroniques et des infections récurrentes.

Conséquences psychosociales et stigmatisation

Les femmes souffrant de fistule obstétricale subissent une double peine :

Un isolement social

Rejetées par leurs familles et leurs communautés, elles perdent tout statut social et économique. Souvent perçues comme “impures”, elles sont exclues des événements et des rassemblements communautaires.

Un effondrement moral et psychologique

La honte et la peur du rejet les empêchent de parler de leur état et retardent leur prise en charge médicale, exacerbant leurs souffrances physiques et mentales.

Des violences économiques

N’ayant plus accès aux opportunités économiques, elles sombrent dans une précarité extrême, incapable d’assurer leur propre subsistance ou celle de leurs enfants.

Impliquer les familles et les époux dans le processus de guérison est essentiel pour briser le cycle du rejet et de la détresse. L’adhésion des leaders traditionnels et religieux est également cruciale pour sensibiliser les communautés et promouvoir l’acceptation de ces femmes.

Réponse communautaire : vers une prise en charge holistique

Bien que la chirurgie réparatrice puisse améliorer considérablement leur qualité de vie, elle ne suffit pas à effacer les traumatismes émotionnels causés par la fistule.

Des actions communautaires doivent être mises en place pour prévenir et accompagner ces femmes vers la guérison et la réinsertion sociale :

  1. Sensibilisation et éducation
    • Organiser des ateliers de sensibilisation dans les villages pour informer sur les causes et conséquences de la fistule obstétricale.
    • Utiliser des radios communautaires, des affiches et du théâtre de rue pour toucher un large public et lever les tabous.
    • Partager les témoignages de femmes guéries pour encourager les victimes à briser le silence et rechercher un traitement.
  2. Renforcement de la solidarité communautaire
    • Mobiliser les leaders communautaires pour promouvoir l’acceptation et le soutien des femmes victimes.
    • Créer des groupes de parole et des centres d’accueil, où les femmes peuvent partager leurs expériences et recevoir un accompagnement psychologique.
  3. Soutien économique et réinsertion sociale
    • Lancer des projets de microfinance pour aider les femmes à créer de petites entreprises et regagner leur autonomie.
    • Mettre en place des formations professionnelles pour favoriser leur réinsertion économique.

Un appel à la justice et à la dignité

La prise en charge des femmes atteintes de fistule obstétricale ne doit plus être une priorité négligée.

Chacune de ces actions représente un engagement en faveur de la justice et de la dignité. Il s’agit d’un véritable cri contre l’injustice, affirmant la valeur et les droits fondamentaux de chaque femme.

Briser les tabous, promouvoir l’accès aux soins et encourager la solidarité sont les clés pour reconstruire des vies et restaurer l’autonomie des femmes.

Leur bien-être émotionnel est essentiel à leur autonomie et au développement de nos sociétés.

Bibliographie :

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